La Réalité Virtuelle est-elle dangereuse pour notre vue ? Si le sujet vous intéresse, vous êtes peut-être tombé ces jours-ci sur des titres de presse du style : « Un développeur de logiciels pense que la réalité virtuelle a provoqué sa dégradation oculaire », « La réalité virtuelle dangereuse pour la vue ? Un développeur alerte », « Un développeur blame les casques de réalité virtuelle pour avoir dégradé sa vue », « Les casques de réalité virtuelle peuvent endommager la vue – Un développeur met en garde ! « ou bien « Un développeur de logiciels averti par un médecin des lésions oculaires causées par la réalité virtuelle »… Des titres comme ceux-là, on en a vu passer des tonnes ces 4 derniers jours, tous provenant d’un tweet d’un certain Danny Bittman qui a annoncé que son médecin lui avait dit que son problème oculaire pouvait provenir de son utilisation prolongée des casques de réalité virtuelle…
Concrètement quels sont les faits ?
Danny Bittman, directeur créatif et artiste VR pour Color Space propose un grand nombre de cours gratuits sous Tilt Brush. Il déclare sur Twitter :
« Je viens de passer mon premier examen ophtalmologique en 3 ans. Maintenant, je suis très inquiet pour ma future utilisation de la VR. J’ai un nouveau problème de convergence oculaire qui agit comme de la dyslexie. Le docteur est convaincu que mon utilisation de la réalité virtuelle a causé cela. Il a précisé que mes lunettes sont prescrites habituellement aux personnes de 40 ans »
Au total, il a enregistré près de 10 000 heures avec un casque VR, certains jours, il passait jusqu’à six heures à regarder des mondes virtuels divisés en sessions de 30 minutes. En tant que passionné, il est également possible qu’il soit aussi joueur VR et qu’il utilise un casque à la maison. Nous sommes donc ici face à une personne qui est loin d’utiliser un casque de réalité Virtuelle comme un consommateur lambda.
En admettant que le problème de Danny Bittman soit effectivement lié à son excès d’utilisation de la Réalité Virtuelle. Il faut déjà commencer par préciser que ce développeur n’est pas un développeur comme les autres. En règle général, un dev va travailler sur un écran durant toute sa journée et faire quelques sessions de jeux en VR pour vérifier la bonne intégration de son travail dans un casque VR. Danny Bittman est un designer graphique, ce qui veut dire qu’il élabore ses créations en temps réel directement en Réalité Virtuelle. Ce qui le pousse à passer des heures et des heures par jour, en VR, dans le cadre de son travail.
Réalité Virtuelle : Que disent les études à ce sujet ?
Selon Ceri Smith-Jaynes, de l’Association of Optometrists,
« Nous ne disposons actuellement d’aucune preuve fiable que les casques VR provoquent une détérioration permanente de la vue chez les enfants ou les adultes. Certaines études se sont penchées sur les effets de l’utilisation à court terme de Casques VR uniquement; ceux-ci n’ont pas révélé de détérioration de la vue … » BBC News
Pour Gilles Renard, directeur scientifique de la Société française d’ophtalmologie il y a un principe de précaution à respecter :
« Moi ça me paraît potentiellement dangereux. C’est purement théorique, évidemment. On n’a aucune étude, aucune preuve. Mais, déjà on a des doutes pour smartphones et tablettes alors là franchement, on entre dans un monde tout à fait nouveau. On ne sait pas du tout où l’on va. » « La recommandation c’est de jouer sur le seul facteur qui nous reste c’est-à-dire la durée d’exposition. C’est une opinion strictement personnelle mais pour moi la durée d’exposition maximale à un casque de réalité virtuelle c’est 15 minutes. Et je me réfère à ce que l’on dit pour les smartphones et les tablettes. 15 minutes c’est quand même très court et j’imagine mal un enfant dans un jeu vidéo en réalité virtuelle s’arrêter au bout de 15 minutes. Je ne l’interdirais pas complètement. Il n’y a pas de raison de déconseiller l’utilisation de casque VR aux enfants si le temps d’exposition est respecté. C’est une technologie amusante, un jeu. » Gilles Renard
Existe-t-il des risques ou des craintes concernant la myopie provoquée par la Réalité Virtuelle ?
« Pas vraiment par rapport aux smartphones et tablettes. Les écrans de réalité virtuelle étant très proches des yeux, on est obligé de mettre devant un système optique qui donne l’illusion à l’œil que l’image est reportée à l’infini. C’est-à-dire que vous avez l’impression d’une vision de loin. Donc on ne sollicite pas l’accommodation, on ne sollicite pas la convergence. On ne sollicite donc pas l’apparition d’une myopie ».Gilles Renard
Les principaux problèmes soulevés à ce jour sont le problème de lumière bleue, Le motion Sickness (qui n’est pas vraiment lié à la vue uniquement) et la sécheresse oculaire.
La lumière bleue est une couleur bleu-violet située entre une longueur d’onde de 380 à 500 nanomètres est plus forte que celle des autres couleurs. Vous avez l’habitude de mettre des lunettes de soleil quand vous êtes l’été sur la plage ? Et ces lunettes ont toutes un filtre anti-UV (Ultra-violet) ! Et bien sachez qu’un écran quel qu’il soit émet le même type de lumière mais que l’on a pas l’habitude de travailler ou de jouer avec des lunettes de soleil ! Les opticiens proposent tous aujourd’hui un filtre supplémentaire sur leurs verres, le filtre à lumière bleue. Ces filtres bloquent les longueurs d’onde situées en dessous de 470 nanomètres. La société VR LENS LAB vous propose des lentilles clipsables sur les principaux casques VR du marché.
Le Motion Sickness n’a pas vraiment de rapport avec votre vue. C’est un problème de mal des transports. Nous vous invitons à regarder notre vidéo sur le sujet.
Enfin, la sécheresse oculaire est un phénomène connu. Le constat est que lorsque nous sommes concentrés sur une tâche précise, la fréquence des clignements oculaires peut être réduite de moitié. Pour éviter les soucis, il est donc conseillé de se forcer à cligner volontairement des yeux régulièrement.
Une récupération médiatique ou un conflit d’intérêt ?
Il n’est pas ici question de mettre en doute la parole de Danny Bittman mais on ne peut pas écarter non plus d’autres récupérations par la presse pour faire du bon gros Buzz. Un titre qui annonce que la VR va vous cramer les yeux peut faire des vues, c’est indéniable. C’est justement le type de titre qui peut détruire une technologie encore fragile. Le principe de précaution s’applique donc également sur ce genre de titres juteux.
D’une part, tous ces articles qui ont fait le tour du monde se basent sur des tweets d’une seule personne qui dit que son médecin lui a dit que… (Il est possible que Danny Bittman soit en train de tenter de valider un accident du travail).
D’autre part, certains ont un intérêt à se servir de ce genre de témoignages, non pas parce qu’ils s’inquiètent pour la vue de Danny Bittman ou la vue des joueurs mais plutôt parce que ces annonces les arrangent pour envoyer un missile sur leurs concurrents. On peut donc être dans ce cas dans de la récupération purement politique ou commerciale. Danny Bittman travaille sur des projets de réalité virtuelle depuis 2016, en partenariat avec des sociétés telles que Google ou Microsoft. On sait que le Google DayDream View acceptait de nombreux téléphones portables pouvant parfois avoir des framerate de 50 FPS… et en VR mieux vaut jouer en 60, 90 voir même 120 FPS !
Il est intéressant de constater également que Google ou Microsoft ne sont pas des grands acteurs en VR. Google a abandonné ses projets VR et Microsoft n’a, à ce jour, commercialisé en VR que des manettes pour les casques Dell, Asus, Acer, Samsung, Lenovo ou HP… Ils se concentrent tous les deux sur le Cloud Gaming qui n’est pas une technologie encore au point pour accueillir de la VR. Si la VR explosait pour le grand public, cela pourrait compliquer le bon développement du Cloud Gaming, car il faudrait pouvoir envoyer, dans ce cas, de la 4K mais en stéréoscopie sans latence et avec un framerate minimum (donc constant) de 60 FPS voir plus… Les variations de débits sont donc interdites !
Mieux vaut donc rester très prudents avec ces titres à sensation. On le sait, les articles du style « Un développeur a dit que… », c’est un peu comme un article qui titre « Un pilote de chasse a vu un OVNI »… Ils utilisent une personne réputée et professionnelle pour donner du crédit à un sujet controversé. La question n’est pas de savoir si c’est vrai ou faux mais cette justification entraîne une prudence de rigueur…
Pour finir, ne sommes nous pas, nous même, en plein conflit d’intérêt car nous sommes un site spécialisé VR et de ce fait, nous ne sommes pas neutres pour aborder ce sujet ? Nous ne sommes pas non plus des professionnels de santé. Nous ne pouvons donc que vous conseiller quelques liens pour approfondir le sujet : phtalmologie-paris | opto.ca | krys
La Réalité Virtuelle au service de la santé
Pour finir, on pourrait aussi rappeler que la Réalité Virtuelle est aussi un outil efficace pour améliorer notre santé. La société Hoya spécialisée dans les solutions optiques propose un casque de réalité virtuelle spécialement conçu pour les opticiens (Hoya Vision Simulator). Ce casque proposera un diagnostic de votre vision beaucoup plus rapide et plus précis que les techniques habituelles.
Le développeur James Blaha a lancé un projet nommé Diplopia visant à « muscler » et à rééduquer l’œil grâce à une série d’applications. Une de ces applications afficherait sur l’écran du masque des éléments avec des niveaux de contrastes différents pour chaque œil, ce qui obligerait le cerveau à compenser les informations et donc à muscler l’œil « paresseux » et à aider à rétablir l’axe de l’œil dévié.
La société GiveVision propose une technologie nommée SightPlus qui permet d’améliorer la vision des patients à visibilité réduite. SightPlus est enregistré en tant que dispositif médical de classe I en Europe. Le Moorfields Eye Hospital a mené un essai clinique de l’appareil SightPlus et a constaté que 98% des patients amélioraient leur vision de 6 lignes en moyenne sur le graphique de la vue. Article publié dans le journal du collège des optométristes. Cette technologie VR s’est avérée efficace sur des troubles comme la Dégénérescence maculaire, la rétinopathie diabétique, la Maladie de Stargardt, le Syndrome d’Usher, la Rétinite pigmentaire (RP), l’europathie optique héréditaire de Leber, le Glaucome, une correction d’une meilleure dystrophie maculaire, l’Albinisme oculaire, la Neuropathie optique, la Dystrophie conique, ou l’Amaurose congénitale de Leber. SightPlus est développée et fabriquée en partenariat avec Sony UK.
On pourra également rappeler les bienfaits des psychothérapie VR pour la Santé mentale qui permettent aussi de soigner l’anxiété sociale et les phobies grâce à la Réalité Virtuelle ou les simulateurs virtuels de chirurgie. Excellent outil dans le cadre de l’enseignement et de la formation en médecine.
Tout est bien relatif donc…